31 octobre 2023

À propos de la liturgie

 FÊTE DE LA TOUSSAINT

Matthieu 5, 1-12a


Les Saints et Saintes que nous fêtons aujourd’hui nous invitent à lire les Béatitudes d’une seule traite, sans les couper en deux, sans y introduire le dualisme qui marque si souvent, peut-être même toujours, notre pensée. Il n’y a pas ici deux volets, l’un pour aujourd’hui, pour maintenant, l’autre pour après, pour le futur, pour le ciel. Heureux les pauvres de cœur, voilà ce qui serait pour aujourd’hui ; le royaume des cieux est à eux, voilà qui serait pour demain. Nous devons faire un réel effort pour ne pas en rester à une telle lecture des Béatitudes. Une telle lecture nous empêche de comprendre quelle sainteté nous célébrons aujourd’hui, nous empêche tout simplement de comprendre qui est Dieu.

Le Royaume des cieux est à eux, lisons-nous. Eux, les pauvres de cœur. Mais si Dieu est celui qui nous ouvre les portes de ce royaume, si Dieu est lui-même ce royaume auquel il nous fait communier, Dieu ne doit-il pas être lui-même pauvre de cœur ? Dieu n’est-il pas lui-même pauvre de cœur, puisque le royaume des cieux est à lui ?  Les saints et les saintes sont ceux et celles qui ont vécu dans cette conviction. Ils ont lu cette première Béatitude d’un seul tenant, d’une seule traite, d’une seule phrase. Ils ont vécu cette pauvreté de cœur qui les tenait déjà près de Dieu et qui les tient aujourd’hui tout près de Dieu, parce qu’ils ont et parce qu’ils ont toujours, comme Dieu, un cœur de pauvre. 
Que Dieu soit pauvre de cœur, il nous l’a bien montré en son Fils Jésus, venu dans notre monde. Saint Paul le dit d’une manière tout-à-fait remarquable. Jésus, le Christ, Fils de Dieu, est allé jusqu’à toute extrémité, en s’anéantissant lui-même, prenant la condition d’esclave. Y a-t-il moyen d’être plus pauvre de cœur ? Et saint Paul de poursuivre : il est encore allé plus loin, en s’abaissant jusqu’à la mort de la croix. Et cela lui a valu de partager la gloire de son Père, autrement dit, la gloire qui se trouve dans le royaume des cieux.


Ce Jésus souverainement exalté, c’est bien celui qui s’est fait pauvre pour nous enrichir par sa pauvreté. Et c’est bien ce qui nous fait lire cette Béatitude sans y introduire aucune division que ce soit. Dieu lui-même reste pauvre de cœur quand le royaume des cieux est à lui. Nous voilà à l’intime le plus intime de la sainteté de Dieu. Nous voilà à ce point exact où se vit la sainteté de ceux et celles que nous célébrons aujourd’hui. Nous voilà à ce carrefour où pauvreté de cœur et grandeur du royaume des cieux ne font qu’un.
Voici un appel puissant à vivre nous-mêmes de la sainteté de Dieu. Soyez saints, comme je suis saint, nous dit Dieu dans l’Écriture. Qu’est-ce à dire, sinon qu’il faut désirer la sainteté, qu’il faut même la vouloir, mais la vouloir à l’image de Celui qui nous invite de cette manière. Une sainteté où la pauvreté du cœur n’existe que pour le royaume des cieux, où le royaume des cieux se confond avec la pauvreté du cœur, où le Christ mort et ressuscité reste Celui qui attire les regards et attire à la communion.


Heureux ce Dieu au cœur de pauvre, heureux ce royaume où la pauvreté fait la richesse de ses habitants, heureuse Église si elle peut elle-même anticiper la communion qui fait se rapprocher la sainteté de ses membres et celle de Dieu, heureuse table où peuvent s’asseoir ceux qui ont faim et soif de la justice, les persécutés pour la justice, les doux, ceux qui pleurent, les miséricordieux, les cœurs purs, les pacifiques. Heureuse table de l’eucharistie qui les rassasiera tous aujourd’hui.

P. Nicolas Dayez (°1937 – 〸2021)
Maredsous 1 novembre 2020






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