11
juillet
SOLENNITÉ DE SAINT BENOÎT
SUIVRE
JESUS
Réflexion
sur la profession monastique
L’évangile proposé
par la liturgie pour la fête de Saint Benoît parle de la profession
monastique :
« Pierre prit la parole et dit à Jésus : ‘Voici que nous avons tout quitté pour te suivre, quelle sera donc notre part ?’ Jésus leur déclara : ‘Amen, je vous le dis : lors du renouvellement du monde, lorsque le Fils de l’Homme siégera sur son trône de gloire, vous qui m’avez suivi, vous siégerez, vous aussi sur douze trônes pour juger les douze tribus d’Israël. Et celui qui aura quitté, à cause de mon nom, des maisons, des frères, des sœurs, un père, une mère, des enfants, ou une terre, recevra le centuple, et il aura en héritage la vie éternelle.’ » (Mt 19,27-29)
L’apôtre pose sa
question de façon naïve, apparemment un peu intéressée : il voit tout ce
qu’il a quitté pour suivre Jésus et il attend la contrepartie. Ses idées
s’enchaînent selon un certain ordre. « Suivre Jésus » apparaît en
second, comme la transition entre le détachement et la récompense.
La réponse de Jésus
renverse cet ordre : il s’adresse d’abord à « vous qui m’avez
suivi ». Puis il énumère, en général, ce qu’il faut quitter pour le
suivre : maisons, frères, sœurs, père, mère, enfants ou terre. La
récompense enfin consistera à siéger sur douze trônes pour juger les tribus
d’Israël et avoir en héritage la vie éternelle. Propos mystérieux… Mais
n’est-il pas significatif que Jésus renverse l’ordre de la question ?
Saint Benoît demande
au moine, au jour de sa profession, de « promettre stabilité,
conversion des mœurs et obéissance » (Règle c. 58,17). Il termine par
l’essentiel. Le novice qui fait le choix de la vie monastique ne pense pas
d’abord à ce qu’il quitte mais bien à Celui qu’il veut suivre. C’est l’amour
qui permet de tout quitter, et seulement l’amour. « Suivre Jésus » entraîne
tout le reste. Voilà l’obéissance que Saint Benoît pose à la base de tout
l’itinéraire spirituel, le premier degré de l’échelle de l’humilité. Obéir,
c’est suivre quelqu’un qu’on aime, s’attacher à lui, complètement.
Ensuite seulement
apparaît ce qu’il faut quitter. Là, Jésus énumère toutes les formes de
possessions : matérielle (maison, terre) et affective (frères, sœurs,
père, mère, enfants). La « conversion des mœurs » n’appelle à rien
d’autre : être libre à l’égard des richesses matérielles et affectives,
« à cause de son nom », à cause de lui Jésus, de sa personne, de son
amour, parce que le fait de le suivre est plus précieux et encore plus
désirable que tout le reste. Tout ce que l’on peut posséder rencontre une fin,
une limite. L’amour, lui, ne supprime rien, il intègre. Ce que l’on quitte
n’est jamais si bien honoré que si on le quitte pour un « plus ». Il
en reçoit alors un sens et un avenir.
Alors nous comprenons
que la récompense promise se présente comme une sorte de
« stabilité » : siéger sur douze trônes pour juger les douze
tribus d’Israël. Obéir, s’attacher à Jésus, se libérer des entraves qui
limitent ou encombrent, permet de « siéger » avec lui, de trouver en
lui un point d’appui solide et définitif. De participer, avec lui, au discernement
du jugement final. D’entrer, dès maintenant, dans sa lumière et sa liberté. La
stabilité est comme la récompense accordée à celui qui obéit et qui se
convertit, ce centuple que Jésus promet. À travers elle, jour après jour,
l’amour de Dieu nous offre déjà la vie éternelle…
La première question
que Saint Benoît nous pose est bien celle-ci : « Quel est l’homme qui
désire la vie ? » (Règle,
prol. 15)
Tout commence par là. Pour lui, la profession monastique n’a pas d’autre
but : nous « conduire tous ensemble à la vie éternelle » (Règle c. 72,12). Et quoi de
plus stable que la vie éternelle ? Être fidèle à sa profession monastique,
c’est entrer dans cette stabilité de Dieu. Ensemble, en suivant Jésus.