La
Toussaint
Aujourd'hui, nous sommes concrètement ceux à qui les Béatitudes sont
destinées. C'est nous qui les lisons. C'est à nous qu'elles s'adressent. La
manière dont elles sont formulées ne doit pas nous faire illusion, nous laisser
oublier la situation concrète de ceux à qui s'adressent ces mots répétés comme
un refrain : Heureux...! Notre situation concrète, puisqu'il s'agit de nous.
Les Béatitudes s'adressent à tous ceux qui sont plutôt mal partis dans
l'existence, ceux qui ont vécu ou vivent des expériences difficiles, ceux qui
se sont cognés à la rigueur et la dureté de la vie, ceux qui ont vécu ces
situations limites par lesquelles tout le monde passe nécessairement d'une
manière ou d'une autre, un jour ou l'autre.
Les pauvres, ce sont ceux qui font l'expérience de tous ces vides qu'on
peut ressentir à propos de soi-même, des autres, du monde ; chaque fois qu'on
éprouve sa misère, sa fragilité, de quelque ordre qu'elle soit. Les doux, les
miséricordieux, les artisans de paix, ce sont ceux qui se manifestent de cette
façon-là dans des situations où ce n'est pas cette réaction-là qu'on a
spontanément. Nous avons tous des expériences de ce que nous avons pu vivre
difficilement dans le domaine des relations avec les autres : quand les
relations deviennent un peu tendues, on est toujours tenté d'être agressif, de
vouloir venger l'offense qu'on a subie, d'entretenir les inimitiés. Les doux
maintiennent la douceur, là où nous cultivons plutôt la dureté ; les
miséricordieux maintiennent le pardon, là où nous cultivons plutôt la mémoire
de ce qui a pu nous blesser; les artisans de paix font tout pour que la paix
puisse placer son mot, là où nous voulons plutôt lui fermer la bouche.
Il est bon d'évoquer tous ceux et celles qui ont soutenu ce combat.
Parce que c'est un réel combat d'entrer en relation avec Dieu et de maintenir
au cœur de cette relation la conscience de sa pauvreté ; c'est un combat de rester affamé et assoiffé de justice. C'est encore
un combat de vouloir établir nos relations avec les autres sur la douceur, la
miséricorde. C'est un combat de vouloir être un faiseur de la paix.
Il est bon d'évoquer toutes ces figures. Une Eglise qui perdrait la
mémoire des grands amis de Dieu que sont tous les saints, ce serait une Eglise
qui finirait par traîner dans la médiocrité et la tristesse.
Il est bon aussi que nous donnions nous-mêmes à l'Eglise d'aujourd'hui
les amis de Dieu dont elle a besoin. Pas seulement pour qu'elle puisse un jour
s'en souvenir, mais pour que le Royaume des cieux soit à elle, pour qu'elle
obtienne la terre promise, pour qu'elle soit rassasiée, pour qu'elle obtienne
miséricorde, pour qu'elle voie Dieu.
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