12 août 2021

À propos de la Bible

 

La liberté

selon la Bible




Être libre, c’est être libéré.

 

La liberté n’est pas un donné figé 
mais un projet divin en devenir.

 
Elle se reçoit et se construit.



Si le mot n’apparaît guère dans l’Ancien Testament sinon au sens politique ou social, le Nouveau Testament présente la liberté comme l’indice même de la nouveauté chrétienne. Son expérience en  tant que libération parcourt toute l’histoire du salut depuis son premier acte, la sortie d’Egypte, jusqu’à son accomplissement dans la Jérusalem d’En-Haut. « Le Dieu que nous avons est un Dieu de délivrances », chante le psaume (Ps 68/67,21). Et saint Paul de déclarer : « C’est pour que nous soyons vraiment libres que le Christ nous a libérés » (Ga 5,1).

La révélation de Dieu comme libérateur

Dieu se manifeste essentiellement comme libérateur. Le récit de l’Exode - libération de l’oppression égyptienne, traversée de la mer, séjour au désert, conclusion de l’Alliance et don de la Loi - constitue, en quelque sorte, l’acte de naissance d’Israël. La Bible entière s’y réfère. Le constat de l’oppression de l’homme par l’homme affecte Dieu au point de le décider à intervenir (Ex 3,7-12). Dieu se révèle à Moïse, il l’envoie et s’engage avec lui : « J’ai vu la misère de mon peuple, j’ai entendu son cri, je connais ses angoisses, je suis descendu pour le délivrer. Maintenant, va, je t’envoie, je serai avec toi ». Tel est le point de départ de la révélation de Dieu dans l’histoire : une situation d’oppression insupportable, à Dieu plus encore qu’aux hommes.
Cette libération initiale est un acte gratuit. Israël ne la demande pas. Il crie parce qu’il souffre. Dieu libre ne supporte pas que l’homme soit asservi par son semblable. Le mot hébreu désignant le pays d’Égypte dérive d’une racine verbale évoquant l’enfermement, l’angoisse et, de là, toute forme d’emprisonnement physique ou moral. L’Égypte dont Dieu veut « faire sortir Israël » n’est pas un lieu géographique mais une situation-type inhumaine, contraire à son projet. Le vrai Dieu n’est pas un tyran. Il ne veut pas d’esclaves mais des partenaires, libres comme lui, pour construire l’histoire avec lui.

Une loi pour rester libre

Ainsi Dieu s’engage-t-il envers son peuple par une alliance, fondée sur le don de sa loi. Les préceptes du décalogue indiquent à Israël le chemin à suivre pour garder sa liberté. L’obéissance à la parole divine, loin de représenter une condition, est plutôt la conséquence de l’alliance, réponse de foi et d’action de grâces à l’initiative de Dieu. La loi divine est gage de liberté. L’observer, c’est demeurer libre, libre de tout assujettissement à un pouvoir absolu sous quelque forme qu’il se présente, pour accueillir le don gratuit du Dieu unique : précisément la liberté.  Idoles, représentations figées des forces cosmiques, manipulables en fonction des besoins, maîtrise absolue du temps et du travail, prétention à l’autosuffisance, qui conduit au refus de l’autre dans sa personne, ses relations et ses biens, représentent autant de formes de tyrannies à fuir, tant en actes qu’en paroles et en intentions (Ex 20,2-17 ; Dt 5,6-21). L’ambition de « connaître le bien et le mal » n’a-t-elle pas été fatale au premier couple humain, dès le début de la création ? Désirer un pouvoir absolu et universel est une impasse qui mène à la mort (Gn 3). 
La tradition prophétique imputera à l’infidélité d’Israël la responsabilité des catastrophes politiques et militaires qui, peu à peu, lui feront perdre sa liberté. À chaque crise, Dieu renouvelle son œuvre de libération, jusqu’à ce que la destruction du temple et l’anéantissement du royaume mette un terme à l’autonomie politique de Juda. Tout au long de son histoire, la prière du peuple de Dieu s’exprime par ce cri qui, sous diverses formes, n’apparaît pas moins de 70 fois au cours du psautier : « Libère-moi ».



La liberté des enfants de Dieu 

Au cours de l’exil à Babylone cependant, l’inspiration d’un lointain disciple du prophète Isaïe laissera entrevoir aux déportés la perspective d’un nouvel exode, mieux, d’une création nouvelle, œuvre de « rachat » qui « fera tomber tous les verrous » (Is 43,14). Un mystérieux « Serviteur » en sera l’instrument choisi par Dieu « pour dire aux prisonniers : sortez » (Is 49,7-9). Plus tard, un autre disciple du même prophète prononce l’oracle que Jésus s’appliquera à lui-même lors de sa première prédication à Nazareth : « L’esprit du Seigneur... m’a envoyé... annoncer aux captifs la libération et aux prisonniers la délivrance » (Is 61,1 ; Lc 4,18). La libération est œuvre messianique ; elle inaugure la réconciliation universelle des derniers temps (Is 35,10 ; 51,11). L’espérance d’Israël est tendue vers elle. À la naissance du Précurseur, son père Zacharie prophétise que « Dieu a visité et racheté son peuple » (Lc 1,68). La venue de Jésus fait advenir le Règne de Dieu ; sa vie, sa mort et sa résurrection réaliseront la délivrance promise. « Si le Fils vous rend libres, réellement, vous serez libres » (Jn 8,36), déclare-t-il à ses contradicteurs.
La liberté chrétienne est un bien eschatologique, obtenu par le sang du Christ en pure grâce et destiné à grandir, par le don de l’Esprit Saint, jusqu’à la délivrance finale. Le chrétien, « fils de Dieu », est libre par définition ; libre et appelé à la liberté. « C’est pour que nous soyons vraiment libres, que le Christ nous a libérés... Ne vous laissez pas remettre sous le joug de l’esclavage », s’exclame saint Paul (Gal 5,1 ; cf. aussi Jn 8,31-36). Au-delà de son expression sociale, loin de tout libertinage, la vraie liberté est avant tout spirituelle, car « la loi de l’Esprit qui donne la vie en Jésus-Christ » libère « ceux qui sont dans le Christ de la loi du péché et de la mort » (Rm 8,2). Concrètement, elle affranchit de l’esclavage de l’égoïsme et de la volonté de puissance, comme de l’assujettissement au jugement d’autrui et aux contraintes extérieures d’une loi prise à la lettre. « Par l’amour, mettez-vous au service les uns des autres, car la loi est accomplie dans l’unique parole : tu aimeras ton prochain comme toi-même » (Ga 5,13ss).  La liberté dans le Christ abolit les différences au profit de l’unité des fils de Dieu : « Il n’y a plus ni Juif, ni Grec, ni esclave, ni homme libre, ni homme, ni femme car tous, vous n’êtes qu’un en Jésus-Christ » (Ga 3,28 ; cf. aussi Col 3,11). Au regard de la foi, même l’esclave est un homme libre (cf. 1 Co 7,22).
Sous l’empire de l’Esprit Saint, le chrétien vit ainsi dans l’espérance d’ « avoir part à la liberté et à la gloire des enfants de Dieu » (Rm 8,18-21), espérance que soutient la dernière demande de sa prière quotidienne: « Délivre-nous du mal » !

                                                                        Sœur Loyse Morard osb


(Paru dans : Dimanche, n° 26, 8 août 2021,
ThéoBel, supplément n° 18, « Libres pour aimer », p.11)




 






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