Fête
de
l’Assomption
Nous continuons à appeler
« Magnificat » le cantique de la Vierge Marie. Il a traversé les
siècles en gardant toute sa fraîcheur. Comme les Béatitudes, le Notre Père et
d’autres textes encore. Quel est le secret de cette fraîcheur ? Y a-t-il
moyen de répondre à cette question ?
Il y a tout d’abord le fait que ce texte est
tout-à-fait personnel. Il commence par ce qu’on appelait autrefois – peut-être
encore aujourd’hui – un adjectif possessif : mon âme, mon esprit, il s’est
penché sur moi, humble servante, il a fait pour moi des merveilles. Le
« Magnificat » se présente à nous comme une sorte d’autobiographie.
Marie nous raconte sa vie, ce qu’elle vit et ce qu’elle traverse, le sens
qu’elle donne à tous ces événements.
Mais attirer ainsi l’attention sur soi, ce
serait vite insupportable, s’il n’y avait pas – et tout de suite – le passage à
une perspective que nous qualifierions de « mondiale ». Ce qui n’est
pas assez dire, et ce qui n’est même pas bien dire. Tous les âges me diront
bienheureuse. Nous sommes partis d’une personne concrète, Marie, qu’on peut
désigner du doigt. Et sans crier gare, nous passons de suite à un élargissement
de ce lien. Marie commence par nous parler à la première personne du singulier,
mais elle n’est pas refermée sur elle-même, elle vit et elle communie à tout
l’univers, à toute la création, à tous les âges, elle vit aux dimensions de
Dieu.
En faisant ainsi, Marie lève pour nous, au
moins un peu, le voile du secret de l’éternelle jeunesse de son cantique. Nous
n’y pensons peut-être pas assez : le « Magnificat » chante la
magnificence. Nous n’utilisons plus beaucoup ce mot pour dire la grandeur de ce
que Dieu fait. Marie chante cette grandeur, elle la magnifie. Elle nous dit que
Dieu fait cette grandeur avec de la bassesse, comme si on ne pouvait remplir
qu’en vidant, comme si on ne pouvait hausser qu’en abaissant, comme si on ne
pouvait anoblir qu’en passant par l’ignominie. Dieu le fait depuis toujours et
c’est bien pourquoi l’intégrale des générations dira Marie heureuse.
Alors vient la question : est-ce
possible qu’une partie de celle qui chante ainsi le « Magnificat »
reste en dehors des merveilles de Dieu ? Le Puissant fit pour moi des
merveilles : allons-nous mettre une limite à Dieu ? Allons-nous
mettre une frontière au-delà de laquelle il n’y a pas d’accès pour la
magnificence que Dieu met en œuvre ?
La fête de l’Assomption est la fête de notre
réponse à cette question, la fête de la réponse de l’Église. Ce que Marie a
chanté, nous le chantons aujourd’hui. Ce que Marie a chanté, l’Église le chante
aujourd’hui. Et pour chanter le « Magnificat », il faut une âme que
j’oserai dire à la mesure de Dieu. Nous voilà donc invités à quitter toute
étroitesse, toute mesquinerie (le contraire de la magnificence), tous ces
millimètres avec lesquels nous avons trop tendance à mesurer, même quand il
s’agit de Dieu.
La fête de l’Assomption, c’est aussi la fête
de la mémoire de Dieu. Et Dieu a une mémoire infaillible. Il se souvient de son
amour, de la promesse qu’il a faite à nos pères, en faveur d’Abraham et de sa
race à jamais. Voilà finalement le secret de cette jeunesse que j’évoquais en
commençant. L’amour peut-il vieillir ? Le nôtre, peut-être, parfois, pas
toujours. L’amour de Dieu ne vieillit pas, ne vieillit jamais. Chacune des
phrases du chant de Marie vibre de cette constatation, vibre bien davantage de
ce que Marie elle-même a accueilli sans réserve, parce que Dieu le lui offrait
sans réserve.
Mon âme exalte le Seigneur. Laissons à notre
âme – au moins pour aujourd’hui – la dimension que Dieu lui-même veut lui
donner. Laissons-la se dilater. Laissons-la être grande. Laissons-la connaître
la magnificence. Laissons-la être jeune. De la jeunesse de Dieu.
P. Nicolas Dayez
Homélie pour la Fête de
l’Assomption
Maredsous, le 15 août 2012
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